La science face aux obscurantismes 2/3

LA RÉAPPROPRIATION DE LA SCIENCE

Nous avons vu un des aspects de l’attitude des extrémistes religieux, le refus de la science, le deuxième aspect est une certaine réappropriation de la science. Car la science est trop présente dans le monde actuel pour être ignorée ou totalement rejetée. Vers la fin des années 1970, est apparue une littérature de scientifiques islamistes, enseignant à l’université tunisienne, dont l’objectif était de montrer la conformité de la science avec les textes religieux. Par exemple, Béchir TORKI, docteur d’état en physique nucléaire, avait publié en 1979 un ouvrage intitulé La science appartient à Dieu où il essayait de montrer que le Coran avait anticipé des découvertes scientifiques ; par exemple, il donnait

la justification des sept cieux [8] :

  • « le premier : le ciel terrien, atmosphère entourant la Terre : 40 km de hauteur ;
  • le deuxième : à 40 km # 10 000, la Lune ;
  • le troisième : cette dernière distance (10 000, soit quatre milliards de kilomètres, la distance Terre-Soleil) ;
  • le quatrième : cette distance # 10 000, soit cinq années-lumière, distance correspondant aux étoiles les plus proches ;
  • le cinquième : en multipliant à nouveau par 10 000, soit 50 000 années-lumière, notre galaxie ;
  • le sixième : à nouveau multipliant par 10 000, un demi-milliard d’années-lumière, les galaxies les plus proches ;
  • le septième : 10 000 fois encore, soit 5 000 milliards d’années-lumière, âge supérieur à celui de l’univers, le septième ciel dépasse le ciel de l’univers. »

L’explication des sept cieux a aussi inspiré Harun YAHYA dans la présentation des « Miracles scientifiques du Coran » [9]. On y trouve une autre justification des sept cieux, en termes de couches atmosphériques allant de la troposphère jusqu’à l’exosphère. Mais, pour arriver à sept couches, sont prises en compte la classification des météorologistes basée sur la variation de la température en fonction de l’altitude et celle des radiophysiciens pour qui le critère est la concentration en électrons libres, quitte à ce que la même tranche atmosphérique soit comptée deux fois. L’essentiel, encore une fois, n’est pas la cohérence de ce qui est exposé, mais le résultat – sept couches – que l’on veut retrouver.

En 1990, un professeur de mathématiques à l’université de Tunis, islamiste connu, a déclaré dans un périodique tunisien que le big-bang a été prévu dans le Coran ; la preuve la sourate XIII, intitulée « erraad » (le tonnerre), verset 13 : « le tonnerre grondant célèbre ses louanges. Les anges saisis de sa crainte le glorifient. Il lance la foudre et en atteint qui il veut. Et l’on ose encore disputer de la puissance de Dieu dont les ripostes sont terrifiantes » [10]. Il est clair que le tonnerre n’est cité que comme un des éléments de la nature qui se déchaînent.

Le site Harun YAHYA développe dans « Les miracles du Coran », de manière « moderne » que la création de l’Univers est présentée dans le Coran : la première figure est l’image du fond cosmologique donnée par le satellite Cobe (lancé en 1990), avec le commentaire : « les senseurs du satellite… ont détecté les restes de la grande explosion ».

Cette réappropriation de la science par les extrémistes religieux n’est pas une exclusivité des islamistes. Les fondamentalistes hindous considèrent aussi que la science moderne est contenue dans les Vedas, les textes sacrés fondateurs de l’hindouisme. M. NANDA [11] cite des exemples concernant aussi bien la mécanique de Newton que la physique moderne. Les Vedas feraient référence aux lois de l’action et de la réaction de Newton à travers les lois de « karma » et de la réincarnation. Ils feraient référence à la physique moderne à travers la théorie des gunas : la matière et l’esprit n’étant pas des entités séparées et distinctes, trois qualités ou gunas sont partagées par toute la matière, vivante ou non. Il s’agit de la pureté, l’impureté et l’activité. La physique moderne a confirmé la présence de ces trois qualités puisqu’il y a trois types de particules, portant des charges positives, négatives et neutres.

A suivre…

par Faouzia Farida CHARFI

Physicienne – Ancienne directrice de l’Institut Préparatoire

aux Études scientifiques et techniques

La Marsa – Tunisie

BIBLIOGRAPHIE ET NETOGRAPHIE

[8] TORKI B. La science appartient à Dieu, (en langue arabe). Tunis, 1979, p. 112.

[9] Les miracles du Coran, http://www.harunyahya.com/fr

[10] Le Coran, traduction de S. MAZIGH. Paris : Éditions du Jaguar.

[11] NANDA M. « Postmodernism, Hindu nationalism and “Vedic science” ». Frontline (India’s National Magazine), january 2004, vol. 20, n° 2, p. 78-91.