Créationnisme : « l’opinion publique musulmane est divisée »
Noureddine Belhout est le directeur de la faculté des sciences islamiques de Paris. Il était à Lyon le dimanche 15 juin pour participer à un séminaire de l’association Islam et Science, portant sur les interactions entre les religions et la science moderne. M. Belhout revient avec Lyon Capitale sur les débats dans le monde musulman entre créationnistes et évolutionnistes.
Que dit le Coran sur la création ?
Le Coran parle d’une création divine des êtres vivants. Tous les croyants sont en ce sens créationnistes puisqu’ils croient en un Dieu « créateur » qui est à l’origine de la vie.
Mais ces savants musulmans se divisent quant à la compréhension des textes coraniques et des récits prophétiques (Hadiths) qui évoquent cette création :
- Les « vrais » créationnistes (au sens scientifique du terme) considèrent que les espèces ont été façonnées directement par Dieu, et séparément les unes des autres. Il n’y a pas de place chez eux pour l’évolution.
- Les autres pensent que Dieu façonne éventuellement ses créations selon un processus évolutif (il a créé un être qu’il fait évoluer), donc pour eux les théories évolutionnistes non-darwiniennes ne contredisent en aucun cas leur croyance, car l’évolution pourrait être un choix et une voie de la création.
Comment se passe le débat sur l’évolution dans le monde musulman ?
L’opinion publique musulmane est divisée. Premièrement, une partie des musulmans est complètement indifférente à l’égard de ce sujet, notamment car la question n’a pas de conséquences sur leur quotidien.
Ensuite, les auteurs créationnistes ont toutefois beaucoup d’influence et ne cessent de gagner du terrain. Ils ont d’énormes moyens, publient des livres, donnent des conférences, entreprennent des campagnes publicitaires… : Harun Yahia est un des représentants connus de cette tendance, qui a les capacités de s’imposer auprès de l’opinion publique musulmane. Ils sont aidés par la position classique des savants musulmans, de l’école littéraliste principalement, qui est « créationniste ».
Enfin, on a une partie non négligeable composée d’intellectuels, d’étudiants et de scientifiques, qui n’ont aucun problème avec l’évolution. Des sondages dans le monde musulman ont confirmé cela.
Sur le plan académique officiel, on note que 22 pays musulmans ont signés en 2006 une convention académique pour l’enseignement de la théorie de l’évolution à l’université. Mais cette signature ne concerne pas encore les pays du Maghreb et du Moyen-Orient, où la question de l’évolution est une affaire classée ou n’est pas d’actualité.
Néanmoins, le débat continue dans les milieux intellectuels et estudiantins.
Quelle est la position la plus enseignée dans les institutions, écoles et mosquées françaises ? Est-ce que les imams se positionnent ?
La diversité des opinions des imams de la communauté musulmane française est à l’image de celle-ci : plurielle, comme la société française. La position de l’imam diffère selon les origines et sa formation, notamment théologique. Les créationnistes au sens strict du terme restent quand même majoritaires. Et cette affaire suscite beaucoup de questionnements et de débats, surtout chez les jeunes musulmans. Ils restent souvent perplexes entre l’enseignement public et ce qu’ils apprennent à travers les sources d’informations communautaires (sites web, cours dans les écoles confessionnelles…).
Propos recueillis par Grégoire Nartz, publié dans Lyon Capitale, le 20 juin 2014.