Nidhal Guessoum. L’astrophysicien de Dieu

Astrophysicien formé aux Etats-Unis, Nidhal Guessoum est aujourd’hui professeur et directeur adjoint du département des sciences à l’université américaine de Sharjah aux Emirats Arabes Unis. C’est un musulman pratiquant ayant un esprit rigoureux voire rationnel pour qui « on ne badine pas avec la science ».

Toute sa démarche le conduit donc à expliciter à la fois les différences de méthodologie entre la science et la religion, mais aussi à démontrer au public musulman comment la science, loin d’être l’ennemi de l’Islam, peut entrer en résonance avec des conceptions non matérialistes du monde.

La tâche est  particulièrement difficile en raison de l’énorme influence du créationnisme dans les milieux musulmans et du développement de ce qu’on appelle « l’Ijaz » ou les miracles scientifiques du Coran (l’idée que les résultats de la science moderne pourraient être déduits de versets du Coran).

Dans son dernier ouvrage [1], il évoque le concept de Dieu dans l’Islam et la façon dont le Coran aborde la quête de connaissance. Puis après un rappel épistémologique sur la nature de la science, il analyse les grandes écoles de penseurs musulmans qui ont développé des positions sur les rapports entre l’islam et la science : ceux qui rejettent la science, ceux qui veulent la récupérer ou l’islamiser et les séparationnistes, selon lesquels il s’agit de deux domaines qui n’interagissent pas entre eux.

Inspiré par l’esprit d’Averroès, Nidhal Guessoum propose une autre approche, celle qui consiste à accepter l’ensemble des résultats de la science en lui  conférant une interprétation théiste (optionnelle bien sûr). Ainsi quand la physique et l’astrophysique affirment que notre univers n’est pas ontologiquement suffisant, ne peut s’expliquer par lui-même, il y a là une information qui ne peut que nourrir la réflexion du croyant.

La tâche est immense, si on se fie à un sondage publié dans son livre qui indique que 62% des professeurs de son université rejettent l’évolution biologique. Il s’y attache avec ardeur, en étant très actif sur le net tout en dirigeant des formations pour étudiants musulmans, co-organisées avec l’Université Interdisciplinaire de Paris, dans des pays musulmans aussi divers culturellement que la Malaisie, la Jordanie et l’Algérie, démontrant, entre autres, la réalité de l’évolution biologique.

Il s’est confronté en 2012 à Paris avec un représentant de Harun Yahya, principal groupe créationniste musulman qui bénéficie d’énormes moyens financiers [2]. Une confrontation courageuse suivie par un public nombreux dans la salle et sur le net, au cours de laquelle il a déconstruit le discours véhiculé par Harun Yahya et ses adeptes.

Ses les travaux commencent à avoir un impact dans la communauté contrairement aux intellectuels « éclairés » de culture musulmane, dont la particularité est d’être souvent déconnectée des fidèles de l’islam. C’est ce qui fait le prix et l’intérêt de son approche.

Par Jean Staune, publié dans Le Monde des Religions, le 1er mars 2014.

Références

[1] lslam et science : comment réconcilier le Coran et la science moderne, Dervy,  2013

[2] http://oumma.com/14663/diffusion-exclusivite-debat-theorie-de-levolution