Les nouvelles frontières de la conscience
En changeant notre conception du monde et en montrant que celui-ci n’est pas fermé sur lui-même, la physique quantique redonne de nouvelles perspectives aux conceptions non-matérialistes de la conscience.
À l’inverse de toutes les conceptions traditionnelles pour lesquelles l’homme possédait une âme, la conscience, pour la grande majorité des chercheurs en neurosciences, n’est rien d’autre que le produit de l’activité neuronale. Selon la conception moderne, la conscience est « perchée » au sommet d’une échelle dont les barreaux inférieurs sont constitués par les particules élémentaires, suivies des atomes et des molécules, et les barreaux supérieurs par les neurones, les différentes zones cérébrales et le cerveau.
Mais la physique quantique va profondément bouleverser ce schéma. Elle nous montre que toutes ces particules élémentaires qui constituent la base de l’échelle sont en fait comparable à … un arc-en-ciel. Comme nous en avons tous fait l’expérience, un arc-en-ciel bouge quand nous nous déplaçons. Il serait absurde de parler de la position et la vitesse d’un arc-en-ciel, puisque celles-ci dépendent de notre propre position et de notre propre vitesse. Un des grands enseignements de la physique quantique c’est que c’est la même chose pour les caractéristiques de toutes les particules élémentaires, elles sont indéterminées en dehors de l’observation.
Cela nous amène à transformer notre échelle en un cercle ! La conscience contribue ainsi via l’observation à définir les propriétés des particules élémentaires… qui constituent les bases de la conscience. Comme le fait remarquer Bernard d’Espagnat (Institut de France), dès lors que la conscience contribue à définir les caractéristiques des fondements de la matière, il est paradoxal de considérer la conscience comme étant uniquement un épiphénomène issu de la matière.
Le deuxième apport de la physique quantique au domaine de la conscience concerne le libre-arbitre. Quand une particule élémentaire « répond » à une question, il y a un véritable « choix » qui semble s’effectuer. Cela a pu amener des scientifiques aussi éminents que Freeman Dyson (Institut des études avancées de Princeton) à dire que quelque chose qui ressemble à un choix semble se produire au niveau microphysique. Bien que cette opinion soit minoritaire, des mathématiciens comme Roger Penrose (Université d’Oxford) ou des physiciens comme Henry Stapp (Université de Berkeley), pensent que la conscience repose fondamentalement sur des phénomènes d’ordre quantique, et que c’est pour cela que les êtres humains sont pourvus d’une véritable liberté de choix.
Depuis 3 siècles, l’un des principes clés de la science « classique » était la clôture du monde physique : tous les phénomènes qui se produisent autour de nous ont leurs causes dans notre monde. Cela semblait exclure à jamais la simple possibilité d’existence d’une âme contrôlant notre cerveau. Mais la physique quantique a ouvert une brèche dans ce principe en mettant en évidence un certain nombre de phénomènes, telle la non-localité (deux particules formant un ensemble unique: ce qui se produit pour l’une à des conséquences immédiates sur l’autre, quelle que soit la distance qui les sépare), qui échappent clairement au temps et à l’espace, et qui ne reposent ni sur l’énergie ni sur la matière. Cela contribue à rendre crédible l’intuition majeure de toutes les grandes religions, monothéistes ou non, pour lesquelles le monde ne se limite pas à ce que nous pouvons voir, mesurer, toucher et sentir et constitue le troisième apport de la physique quantique au domaine de la conscience. Le neurologue Sir John Eccles, prix Nobel de Médecine, a publié avec le physicien Friedrich Beck, à l’Académie des sciences américaine, une démonstration selon laquelle l’incertitude qui existe au niveau quantique sur la position des particules élémentaires permet d’envisager comment une entité immatérielle pourrait modifier certains processus du cerveau sans violer aucunement les lois de la (nouvelle) physique ! Si cela ne constitue pas une preuve de l’existence de l’âme, cela fait disparaître l’argument qui en interdisait l’existence.
Ainsi la physique quantique remet en question les schémas simplistes selon lesquels le cerveau secrète la conscience comme le foie secrète la bile, et il n’est plus possible de dire comme Jean-Pierre Changeux (Collège de France), « l’Homme n’a plus rien de l’esprit, il suffit d’être un Homme neuronal. »
Il y a quelques années un jeune et brillant physicien quantique perdit brutalement sa mère. À la sortie de la messe, il me dit, étant agnostique, avec une pointe de rage dans la voix, « Qu’est ce que la physique quantique peut nous dire sur la mort ? ». Je l’ai amené à répéter la question devant d’Espagnat qui répondit, « la physique quantique nous enseigne que cette réalité dans laquelle nous vivons, située dans le temps, l’espace, l’énergie et la matière n’est pas la réalité ultime, et que la réalité ultime, si elle existe, ne peut-être situé dans le monde des phénomènes. Cela rend non à priori absurde l’idée d’une possible survie après la mort. »
Jean Staune